Koh Dach et les enfants de l’Association « Espérance Khmère »
- aschiettecatte
- 29 janv. 2019
- 7 min de lecture
Une expérience humaine incroyable !

Fred a été très clair lors de la préparation : « pas d’itinéraire précis et aucune réservation trop à l’avance ». L’idée même de ce voyage est de prendre le temps, de vivre à un autre rythme, de se laisser porter par nos envies et celles des enfants, par nos coups de cœurs et nos galères (en espérant qu’elles ne seront pas trop nombreuses 😬) mais aussi, surtout, de se laisser guider par nos rencontres !
A peine arrivé à Phnom Penh, on fait la connaissance d’une jeune franco-cambodgienne, ayant tout abandonné à Paris il y a 2 ans pour tenter sa chance et commencer une nouvelle vie au Cambodge. Notre première vraie belle rencontre s’appelle Neary. Son père est cambodgien et a quitté son pays pour aller faire ses études en France, juste avant l’entrée des Khmers Rouges dans la capitale en 1975. Il y restera 35 ans et, issu d’une famille d’intellectuels, sera finalement au sein de celle-ci le seul survivant de ce terrible génocide qui fera plus de 2 millions de morts au Cambodge entre 1975 et 1979. Aujourd’hui, à l’âge de la retraite, il passe son temps entre son pays d’origine et son pays d’adoption. En 2005, il crée l’association « Espérance Khmère » pour œuvrer au développement de l'éducation et à la santé de ce peuple meurtri. Sur l’île de Koh Dach (l’île de la Soie, située à une vingtaine de km de Phnom Penh), 2 petites maisons en bois, sur pilotis (la Maison Rouge et la Maison Bleue) accueillent un centre de langues où les enfants des villages alentours peuvent suivre quotidiennement des cours d’anglais et de français. Lorsque Neary nous en parle et nous demande si cela nous intéresse de découvrir cette petite association et de dormir chez l’habitant, on fonce. On a prévu de quitter Phnom Penh le lendemain mais entre Fred et moi, un seul regard suffit et on file à la guest house pour prolonger notre séjour. Neary nous prévient, le confort est rudimentaire et il n’y a rien à faire sur l’île... rien à faire, si ce n’est côtoyer de près la population rurale. Que demander de plus ! On lui explique que l'on voudrait s'impliquer un minimum lors de notre bref séjour. Apparemment, il faut lui s’arranger sur place avec le prof mais toute initiative est la bienvenue. Le principe est le PARTAGE ! Fred emmène donc sa guitare ... on ne sait pas trop ce qui nous attend mais on est hyper excité.

Neary a tout arrangé avec son père. Un villageois vient nous chercher le lendemain en Tuk Tuk car il n’y a pas d’adresse précise ... les gens de la ville ne sauraient pas où nous déposer. Notre conducteur est d’une gentillesse incroyable et bien qu’il ne parle pas anglais, je finis par deviner qu’il a 5 enfants, 4 filles et 1 garçon... je comprends donc mieux pourquoi il est si fier de montrer « Incredibles 2 » sur son téléphone à mes 3 canailles. Après environ 45 minutes de route et une traversée en ferry avec quasi que des locaux et quelques touristes d’un jour, on arrive enfin sur l’île de la Soie. Quel calme ! Ici, la vie a un tout autre rythme... beaucoup de vélos et peu de motocyclettes. Ça change et ça fait un bien fou ! Les enfants, eux, sont frappés par la grande taille et la maigreur des vaches qui vivent quasiment en liberté et se trouvent parfois au beau milieu de la route.

Lorsque l’on arrive devant la Maison Rouge (notre abri pour la nuit le long du Mékong), on remarque tout de suite le tableau noir et les bancs d’école, prêts à accueillir plus de 300 élèves en fin de journée. Mr Lin, le voisin âgé de plus de 70 ans, nous accueille en balbutiant quelques mots de français et nous montre les lieux. Ensuite, il nous propose de visiter sa maison et nous faisons la connaissance de l’une de ses filles qui vient d’accoucher il y a seulement un mois. La petite dernière de la famille dort, si belle et si paisible, bercée dans son hamac. Je ne peux m’empêcher de me demander quel passé douloureux se cache au fond de cet homme ridé, avec sa dent en argent ("waw, maman t’as vu sa dent ?" s’exclame d'ailleurs Arthur), d’une douceur et d’un calme absolu mais au regard profond ... et une grande tendresse m’envahit.

On décide d‘aller se promener et Mr Lin prête 2 vélos de ses petits-enfants à Manon et Gabin. Ils sont aux anges de pouvoir pédaler ainsi en toute liberté (sans risque de se faire écraser) sur les sentiers peu fréquentés de l’île. On déjeune dans une des rares guest houses présentes sur Koh Dach, tenue par une résidente ayant fait ses études en Allemagne !!! Décidément, depuis notre départ, Manon a déjà pu exercer plus d’une fois la langue de Goethe. Il fait chaud, très chaud, et avec les enfants, je profite donc du jardin ombragé du « resto » et de ses nombreux hamacs pour vivre au rythme local pendant que Fred accorde sa guitare et s’entraine un peu ... .
Apprenant notre arrivée, la prof d’anglais vient nous saluer. Elle s’appelle Hung et a tout juste 19 ans. Chaque jour, en revenant de la capitale où elle suit encore une formation, elle donne bénévolement 3h de cours d’affilée. Elle nous explique que l’association est victime de son succès et qu'il y a trop d’enfants par classe mais elle accepte néanmoins chaque nouvel élève qui se présente... . Comment refuser à un enfant de s’instruire davantage ? On ne la comprend que trop bien. Avant de retourner à la maison, on se balade entre les pagodes et on observe les enfants qui jouent au foot, aux billes, à touche-touche, ... les jeux sont simples et le matériel rudimentaire (ils sont à 10 sur une balançoire à bascule ou sur un tourniquet). Mais le bonheur est bel et bien là, sous la crasse et la poussière ... . Dans ce nouvel environnement, nos enfants ne sont pas très à l’aise. On les observe attentivement et on les regarde avec insistance. Ils n’ont pas l’habitude. Ils sont déstabilisés. C'est vrai que les villageois nous regardent passer avec curiosité. Il est certain que des petits blancs aux yeux bleus et un mec avec une guitare sur le dos, cela ne doit pas être très courant ici.
Bientôt 16h, il est donc temps de se diriger vers la Maison Rouge car les cours vont commencer. Pendant 4 heures, les classes, par tranches d’âge, vont se succéder. Quand on arrive sur place, une cinquantaine d’enfants jouent, papotent et rient sous la maison. C’est le chaos total. Mais dès l’arrivée de Hung, chacun fonce sur son banc et se tient bien droit en silence. Le cours commence avec une petite chanson de bienvenue en anglais. Je suis seule. Fred accorde sa guitare en haut et les enfants sont gênés ... ils ont peur que l’on se moque d’eux. Manon finit quand même par s’installer au premier rang à côté d’une petite cambodgienne de son âge. Mais c’est donc moi qui me lance, après que Hung ait revu le vocabulaire appris la veille. Me voilà debout devant une assemblée d’enfants ne parlant pas encore vraiment anglais et me regardant avec des yeux ébahis et parfois espiègles. C'est assez intimidant, mine de rien. Heureusement que Hung est là pour traduire 😉. Je me présente ainsi que notre famille, je parle de notre projet et de la Belgique : le chocolat, la bière... et le foot ! Bingo ! Incroyable mais vrai, un petit bonhomme, haut comme trois pommes, fan de foot, connaît Lukaku ! Ouf, je suis sauvée... . La glace est brisée. Fred arrive avec sa guitare. Il chante, puis Manon l’accompagne et même Gabin, le plus timide de la famille, se lance. Je suis fière de lui car je sais à quel point cela lui demande des efforts. Le cours est déjà fini et on voit arriver les prochains élèves.
Au fur et à mesure que les heures passent, nos enfants sont de plus en plus à l’aise. Manon joue à l'institutrice et fait même répéter quelques mots d’anglais à toute la classe. Arthur, comme à son habitude, fait le pitre et amuse la galerie. Gabin observe attentivement ce qui se passe autour de lui. Les échanges se font de plus en plus facilement car plus les élèves sont âgés, plus ils maîtrisent quelques notions d’anglais et le dialogue s’installe. Les heures filent. On sent bien à quel point certains de ces jeunes sont avides d’apprendre et de s’ouvrir au monde. Et cela me remplit d’espoir pour ce peuple qui a tant souffert et qui est toujours en pleine reconstruction. Que ce partage fait du bien !
Après les cours, on déguste une spécialité khmère presqu’à même le sol, dans une pièce qui sert à la fois de salon, de chambre et de salle à manger... c’est simple et délicieux ! Il est à peine 20h30 mais on ne tarde pas trop à se réfugier dans notre lit, chacun sous une moustiquaire. Le sommeil ne se fait évidemment pas attendre après cette journée forte en émotions ! Néanmoins, la nuit est courte et agitée, car il fait chaud et on a l’impression que tous les animaux du village se sont donnés rendez-vous au pied de notre lit. Mais aucun de nous ne regrette l’aventure, que du contraire !
Après un bon petit déjeuner maison, Mr Lin nous emmène chez sa voisine pour nous montrer le tissage de la Soie, spécialité de l’île. On observe ce savoir faire ancien et on admire l’agilité des mains et pieds de ces femmes qui travaillent quotidiennement de 8h du matin à 17h. C’est déjà l’heure du départ et d’une dernière photo souvenir... je suis tout émue en quittant ces visages que je ne connaissais pourtant pas 24h auparavant.

Tous les sourires de Koh Dach, la simplicité du partage et les nombreux échanges, resteront à jamais graver en moi.
Merci Neary ! Merci Hung ! Merci Mr Lin ! Merci les enfants ! I want you to have it all !
Tres belle histoire de vie et de partage! Quelle simplicité et quelle chaleur...Bonjour a toute la famille! Impatient de lire la suite